Professeure Aviv Regev
Amérique du Nord – Bioinformatics
Exploiter les mathématiques et l'informatique pour révolutionner la compréhension des cellules humaines
La professeure Aviv Regev est récompensée pour ses travaux novateurs dans le domaine de la génomique sur cellule unique, l'étude des cellules individuelles. Ses méthodes expérimentales innovantes combinent les mathématiques et l'informatique pour permettre aux scientifiques de découvrir et de caractériser les milliards de cellules présentes dans le corps. Des travaux importants, car ils nous permettent de déchiffrer et de cibler les mécanismes à l'origine des maladies, et de développer de meilleurs diagnostics et de meilleures thérapies. Son propre laboratoire a découvert des cellules jusqu'alors inconnues dans les tissus sains ou qui interviennent dans des maladies telles que le cancer, la colite ulcéreuse, la maladie d'Alzheimer, la mucoviscidose et le Covid-19. En 2016, elle a cofondé le Human Cell Atlas, une initiative mondiale et collaborative qui rassemble aujourd'hui plus de 2500 scientifiques membres issus de 86 pays. Ensemble, ils ont dressé le profil de plus de 100 millions de cellules à travers le corps, constituant une référence biomédicale incontournable.
“L'unité de base de la vie est la cellule - le défi est que nous ne connaissons pas tous les états et toutes les caractéristiques de toutes les cellules qui existent, sans parler de la façon dont elles fonctionnent individuellement ou collectivement dans les tissus", dit-elle. "Diriger le Human Cell Atlas a été une aventure extraordinaire - c'est une grande leçon d'humilité que de contribuer au formidable travail de notre communauté de chercheurs.”
En 2020, la professeure Regev est devenue l'une des premières femmes à diriger la division recherche et développement d'une grande entreprise pharmaceutique, Genentech. Avant de rejoindre Genentech, elle a été directrice fondatrice du Klarman et directrice du Broad Institute du Massachusetts Institute of Technology (MIT) et de l'université de Harvard, ainsi que professeur de biologie au MIT.
Un parcours de pionnière
Enfant, elle a manifesté un intérêt particulier pour les mathématiques, la physique, les langues et la lecture, soutenue par sa famille de passionnés de sciences et d'ingénierie. Elle s'est d'abord orientée vers les mathématiques et l'informatique, avant de se passionner pour la génétique et la biologie de I’évolution, ce qui l'a amenée à passer un doctorat en biologie informatique.
Reconnaissant les avantages des approches mathématiques pour une meilleure connaissance des cellules humaines à un niveau de précision et à une échelle sans précédent, la professeure Regev a depuis consacré son travail de laboratoire à la recherche de pointe. Elle n'a pas hésité à expérimenter, en lançant des concepts nouveaux et inattendus. Avec son équipe, elle a inventé diverses méthodes pour mesurer le profil d'expression (ou "carte de visite") de chaque cellule individuellement (c'est-à-dire l'activité cellulaire et les réactions dans différentes situations) - pour des dizaines de millions de cellules. Et pour donner un sens à cette quantité considérable de données, elle a développé des algorithmes informatiques, basés notamment sur l'apprentissage automatique, afin d'identifier des modèles et de découvrir différents types de cellules et leurs propriétés. Ses méthodes permettent aux scientifiques de déterminer l'emplacement des cellules dans les tissus, les circuits moléculaires qui les contrôlent et la manière dont elles maintiennent nos tissus en bonne santé ou dysfonctionnent en cas de maladie. Ses méthodes peuvent également être utilisées dans le cadre d'essais cliniques pour caractériser les échantillons des patients, en fonction par exemple de leur réaction à un traitement, ou pour créer des cellules pouvant être utilisées comme thérapies.
L'interdisciplinarité est le futur de la science
La professeure Regev souligne la nécessité de combiner différentes disciplines scientifiques pour résoudre des questions biomédicales. Dans le monde universitaire, nous pouvons faire de la biologie, de la chimie et de l'informatique de pointe, mais nous n'avons pas encore réussi à les combiner de manière à ce qu'elles apportent des bénéfices réels aux patients", explique-t-elle, avant d'ajouter : "Je veux que la science - la biologie, la chimie, la médecine et l'informatique - apporte des solutions tangibles, qu'elle produise davantage de traitements et de meilleure qualité, en utilisant les outils les plus performants et à un moindre coût pour la société. Et je crois que la communauté scientifique et médicale est plus proche de réaliser ce rêve qu'elle ne l'a jamais été auparavant".
La professeure Regev estime que pour favoriser la diversité dans les sciences, il faut d'abord encourager les filles à étudier les sciences à l'école, puis leur ouvrir des parcours professionnels efficaces, en combattant les préjugés inconscients et autres discriminations dans le domaine scientifique, et en mettant en place des infrastructures efficaces pour les scientifiques qui ont des enfants. Elle considère également qu'il incombe aux scientifiques de rendre la science claire, accessible et de l'intégrer dans les conversations quotidiennes afin de prévenir la désinformation.
L'importance des modèles féminins
La professeure Regev reconnaît qu'elle a eu la chance dans sa carrière d'avoir de formidables mentors, des collaborateurs talentueux et des financements pour ses idées. Mais elle sait également le combat acharné mené par ses prédécesseurs pour ouvrir la voie à sa propre carrière scientifique. Comme notamment la scientifique Nancy Hopkins, dont le rapport sur le statut des femmes au MIT en 1999 a fait des vagues à l'université et au niveau national. La professeure Regev est déterminée à rendre la pareille en soutenant les futures femmes scientifiques, notamment en jouant le rôle de modèle et de mentor.
"Je suis optimiste [en ce qui concerne le plafond de verre], mais je suis également consciente qu'il reste beaucoup à faire et que nous ne devons rien tenir pour acquis, pas même nos acquis actuels", déclare-t-elle, ajoutant que "les femmes ont fait certaines des plus grandes découvertes du siècle dernier, changé notre monde, développé de nouveaux domaines scientifiques, formé de nouvelles générations de scientifiques, dirigé des institutions, soigné des patients et bien d'autres choses encore".
Aux futures générations de femmes, elle dit : "Il est important que vous vous sentiez autorisées à faire ce que vous pensez être le mieux, même si cela vous semble peu orthodoxe - vous pouvez être votre propre modèle. Et ne vous sentez pas obligées de vous limiter à une seule discipline - combiner tous les domaines qui vous inspirent est incroyablement amusant et gratifiant".