Pour les Femmes et la Science 2022: Agnès Binagwaho

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Pédiatre et experte en santé publique - Laureate Afrique et États arabes

Professeure de pédiatrie et vice-chancelière de l’Université de l’équité en santé mondiale, Kigali, Rwanda 

Faciliter l’accès aux soins pour les communautés les plus vulnérables au Rwanda, en Afrique et au-delà. 

 

La professeure Binagwaho est récompensée pour son rôle central dans l’élargissement de l’accès aux soins publics pour les communautés les plus vulnérables au Rwanda, en Afrique et au-delà, contribuant à réduire l’impact des maladies et à améliorer leurs vies. Elle se concentre en particulier sur la mise en place de systèmes de santé résilients et à l’amélioration de la qualité, de la disponibilité et de l’accessibilité des services de santé pour les personnes souffrant de maladies telles que le VIH, le paludisme et la tuberculose. Une telle action n’a jamais été aussi importante, alors que partout dans le monde, les systèmes de santé débordés peinent à se reconstruire après la pandémie de Covid-19. 

"En tant que professionnels de santé, nous devons veiller à ce que les obstacles aux soins de qualité soient levés ou réduits, en particulier pour les personnes vulnérables", dit-elle. "En fournissant des données plus précises et des stratégies de changement reposant sur des données probantes aux décideurs politiques, au secteur de l’éducation à la santé et aux acteurs du terrain, j’espère contribuer à une meilleure santé pour tous." 

La professeure Binagwaho rêve que la science résolve le problème du paludisme, d’autant que 94 % des cas de paludisme et des décès surviennent en Afrique1.  Elle s’intéresse également aux principales maladies non transmissibles telles que le cancer, le diabète et les maladies mentales. Consciente que la dépression est la quatrième cause majeure de maladie chez les adolescents en Afrique, et que peu de services sont disponibles pour les soutenir, elle a codéveloppé en 2017 un outil de dépistage de la dépression chez l’enfant, gratuit, open-source et facile à utiliser, qui peut être adapté à tous les contextes. 

En se concentrant sur la recherche en sciences de l’application (« Implementation Science ») - l’étude des méthodes permettant d’appliquer les résultats de la recherche - et sur la politique de santé, la professeure Binagwaho a trouvé une façon de réaliser son rêve d’enfance : devenir médecin et enseignante. Née au Rwanda, elle a grandi en Belgique, et a poursuivi des études de médecine et de pédiatrie en Belgique et en France. Elle a décidé de retourner au Rwanda en 1996 pour travailler dans les hôpitaux publics, après le génocide de 1994 contre les Tutsis qui a détruit le pays. Déterminée à apporter une contribution significative, elle s’est impliquée activement dans la reconstruction et le renforcement du système de santé, en mettant l’accent sur le soutien aux plus vulnérables, notamment les enfants touchés par le conflit et souffrant du VIH et de maladies similaires. De 2011 à 2016, elle a occupé le poste de ministre de la Santé au Rwanda.  

Au cours de sa carrière, la professeure Binagwaho a dû faire face à des obstacles, tant pour prouver sa valeur en tant que femme scientifique que pour gagner la confiance de la communauté scientifique, en particulier au niveau mondial, en tant qu’Africaine. Elle souligne que si les femmes sont plus nombreuses que les hommes à étudier dans le domaine de la santé, seuls 25 % des postes de direction dans ce domaine sont occupés par des femmes. Une représentation disproportionnée qui se traduit par un manque d’intérêt pour les questions de santé liées aux femmes et un financement insuffisant pour les chercheuses.  

Dans son travail quotidien au Rwanda, cependant, elle se sent privilégiée de n’avoir pas fait l’expérience de la discrimination liée au genre, ce qu’elle attribue à l’importance accordée par le pays à l’équité entre les femmes et les hommes. En effet, les femmes rwandaises détiennent le plus haut pourcentage de sièges (61%) de tous les parlements du monde, tandis que 55% des ministres sont des femmes. 

"La mission que je me suis fixée est de changer le statu quo, d’aider les gens à obtenir ce qu’ils méritent, d’où qu’ils viennent, et sans discrimination de genre", dit-elle.  

"Je milite toujours pour la justice sociale. Je me bats pour moi et mes pairs et je contribue à améliorer l’environnement des femmes scientifiques qui suivront." 

Elle estime qu’un plus grand nombre de femmes dans la recherche se traduirait par plus d’inclusion, une meilleure collaboration et davantage d’innovation, ce qui améliorerait la qualité de la recherche et les résultats en matière de santé et ferait progresser l’égalité entre les femmes et les hommes. Une question particulièrement pertinente en Afrique subsaharienne, où les scientifiques du continent ne représentent que 2,5 % de la recherche mondiale. 

En tant que cofondatrice et vice-chancelière de l’université de l’équité en santé mondiale, elle contribue activement à inverser la tendance. Elle enseigne à ses étudiants à se concentrer sur les plus vulnérables afin qu’ils puissent fournir des services de santé équitables qui ne laissent personne de côté. Avec seulement 28 % de femmes médecins en Afrique, elle veille également à ce qu’un minimum de 70 % des étudiants du programme médical de l’institution soient des femmes.